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Les Yeux D'Ambre (Eyes Of Amber) De Joan D. Vinge
--> Une Ancienne Critique Par Un Tout Jeune Auteur
Eh oui, je continue ici la republication de certaines de mes "critiques de jeunesse" et cette fois-ci, il s'agit de celle d'un livre superbe, relu d'ailleurs en langue originale, il y a quelques années, d'une (généralement) bonne auteure Américaine (voir des récits plus "traditionnels" d'abord, bien que fort honorables comme The Outcast Of Heaven Belt, Fireship, et puis, surtout, plus tard l'excellent The Snow Queen (Prix Hugo du Meilleur Roman de SF en 1980) et sa suite, entre autres) , du temps où elle était à son meilleur et écrivait encore des nouvelles, et principalement de la SF, le plus souvent, au lieu de gros pavés un peu trop longs, de livres (presque) pour jeunes plus "faciles" , disons, ou encore de nombreuses novelisations diverses de films pour s'assurer de bien faire "bouillir la marmite" là. On ne la voit plus guère publier souvent depuis quelques années, d'ailleurs, ce qui est vraiment bien dommage.

Et on excusera ce Beaulieu d'il y a plus de 20 ans, moins critique, moins analytique, et nettement plus enthousiaste.

Du moins, je l'espère...

Fallait bien que jeunesse se passe...

Et je ne renie certes pas ce que j'écrivis sur ce livre à l'époque! ;-)

Mais tenez quand même compte que, même s'il s'agit ici d'une "version révisée et réécrite" , que tout ceci fut publié, à l'origine, dans le numéro 41 de la revue Solaris en... octobre 1981, et gardez donc alors une perspective historique en conséquence...

Donc, voici:


Joan D. Vinge, Les Yeux D'Ambre (Édition originale Eyes Of Amber, 1980) , Paris, Librairie Des Champs Élysées, (Le Masque-SF, No. 102, réédité chez J'Ai Lu ensuite) , 1980, 316 pages.

Vous vous demandez ce qui est arrivé de meilleur à la SF Américaine depuis le début des années 70? L'arrivée de nombreuses bonnes écrivaines, de femmes de talent en nombre conséquent, et des sciences dites "douces" , utilisés "à égalité" avec les sciences dites "dures" , traduisant des préoccupations plus proprement littéraires également. C'est bien incontestable! Alors qu'une bonne partie des Grands Anciens de la SF se taisent ou radotent, que la "New Wave" semble s'être quelque peu "enlisée" dans certains marécages par trop vides ou "expérimentaux" , connaître une "pause étale" après un intéressante période "crache ton venin" et "faites ce que l'on as jamais osé faire dans le genre (Ce qui équivalait parfois à "Faites n'importe quoi" , il faut bien le dire ici, mais donna également de superbes réussistes qui n'auraient pu voir le jour quelques années plus tôt et sans tout ce brassage et ces remises en questions du genre et de ses tropes habituelles... ) , et qu'il ne se pointe guèere de jeune relève mêle de qualité à l'horizon des revues et collections, mis à part la révélation de quelques vraiment brillantes individualités, encore une fois oeuvrant surtout dans le domaine de la nouvelle (G. R. R. Martin - Edward Bryant - Spider Robinson et, surtout Kim Stanley Robinson et John Varley) , le souffle d'air frais, le courant le plus vivifiant et intéressant, le plaisir de lecture, le mouvement et le changement, les innovations intéressantes et le regard neuf, "différent" , que devrait toujours procurer la SF à ses lecteurs, me semblent, en grande partie, d'origine principalement féminine" Le Guin, Wilhelm, Tiptree (et donc Sheldon) , Cherryh, Mc Intyre, Tanith Lee, Martha Randall, Yarbra, voilà toutes celles qui, selon moi, sont en train de raviver notre goût pour la SF et de, partiellement, recodifier, pour le mieux, le genre en réalisant enfin la mythique (et si désirée par certains) osmose réussie et satisfaisante de la qualité littéraire et de l'étude de l'influence des changements technologiques dans la vie des humains et de leurs sociétés, du style, de la forme et du contenu, de la psychologie, de la sociologie, la linguistique, l'écologie, de l'Humain et de l'Autre, de la tête et du coeur, oserai-je écrire, sans mièvrerie aucune, mais en tenant pleinement compte de tous les paramètres, les particularismes et les caractéristiques, de toute la complexité de ce "Ce Qui Nous Rend Humain" , comme le titrait si bien Stephen Donaldson pour une de ses nouvelles dans F And SF et comme le cherchèrent toujours Dick, Sturgeon, Simak et Delany, par exemple.

En effet, bien que Vinge soit venue de (et ait publié surtout dans) Analog et Galileo, comme ses consoeurs et les meilleurs écrivains mâles contemporains, elle injecte souvent massivement interrogations sur et remises en cause des rôles sexuaux traditionnels, différence, poésie, préoccupations sociales et humaines, psychologie et potentiel symbolique, redonnant au passage ces lettres de noblesse à la création de monde (Sur une échelle moindre, plus intimiste, disons, que les Dunes de Herbert, les Majipoor de Silverberg ou les livres de Vance mais... ) , de "créatures et sociétés étrangères" et apportant enfin à la SF le "regard" neuf, différent et bienvenue de leur "féminité" , acceptée, altérée, répressée, questionnée, assumée ou refusée même mais, assurément, dans l'état présent du genre, un regard qui a le mérite d'être novateur et remuant.

Vraiment, à la lecture des cinq textes absoluement passionnants et admirablement écrits de ce recueil, on se dit que, parmi les étoiles de premièeres grandeur cité auparavant, Vinge fait figure de novae en ce moment, nous présentant de joyaux parfaitement ciselés (pour la plupart) , produits équilibrés de l'intelligence et de la sensibilité.

En fait, il s'agit bien là du meilleur recueil que j'ai lu cette année. La plupart de ces récits sont solides, habilement menés, sans perdre de temps, sans disgressions inutiles, bourrés d'idées et d'étrangeté parfois (voir surtout la nouvelle titre) , se déroulent au sein d'arrières-plans minutieusement et amoureusement construits, habilement décrits, avec des protagonistes (de réels "personnages, en fait) à la réalité presque palpable, constamment "crédibles" , à la psychologie fouillée, complexe et au destin prenant. Vraiment, de tous ces textes, les plus superbes ("Les Yeux D'Ambre" , excellente histoire de "premier contact" extraterrestre et de relativisme culturel, "Mediaman" , au sujet évident dans son titre, mais projeté dans un fort crédible futur de colonisation spatiale, et "Soldat De Plomb" , avec ses références évidentes et son jeu thématique subtil et délicat de rencontres, passées à travers le prisme déformant du Paradoxe de Langevin, au fil de temps et des étoiles, entre une voyageuse spatial et un soldat "rampant" et mutilé, définitivement "prisonnier" de sa planète avec le célèbre conte du même titre d'Andersen) sont, pour moi, carrément brillants, des textes comme on en rencontre trop rarement et que, test ultime, on se rappelle encore dans leurs moindres détails, que l'on peut encore bien "revivre intensément en soi"des années après leur lecture, auxquels une relecture apporte parfois un surcroît de sens, un approfondissement, une perspective nouvelle apportée par les années et l'expérience de la vie. On lit cvela et on se dit constamment: "Dieu, que j'aurais voulu l'avoir écrit! "

Vinge marie ici constamment, et d'une manière qui me lui semble très personelle, unique en fait, pour son époque, dans la SF Américaine, une attention égale aux idées et à son écriture, l'exactitude de la "science dure" et les illuminants raccourcis lyriques et audacieux de la véritable poésie bref, la réflexion, la connaissance, la sensibilité et l'émotion vraie. C'est un talent énorme, constant dans la qualité de sa production et prolixe durant la première décennie de sa carrièere qui pointe et émerge là, suffisamment diversifié et qui pouvait ambitionner de grandes choses. (Elle les donnera parfois, d'ailleurs, avec par exemple cette oeuvre ample, d'une force et d'une beauté proprement stupéfiantes que fut le roman The Snow Queen (Oui, encore Andersen là.... ) et des textes comme "To Bell The Cat" (traduit "Un Grelot Pour Le Chat" , dans Univers 18, chez J'Ai Lu) , par exmple ou le roman The Summer Queen, suite du précédent qui, en dépit de quelques longueurs parfois, reste également excellent.

C'est une auteure qui brilla haut et clair, pas suffisamment longtemps peut-être, à mon avis, et qui aurait pu donc vraiment aller très loin, même dans les "limites habituellement acceptées" du genre et malgré les obstacles de la "commercialisation obligée" des littératures de son époque, et encore plus de la nôtre, si l,on veut, au minimum vendre des livres et s'assurer d'une lectorat assez nombreux et d'un revenu à peu près décent. Elle a un peu déçu depuis, mais je garde toujours l'espoir, pour elle, d'un possible retour aux belles fulgurances de ces années les meilleures...


René Beaulieu




Ecrit par René Beaulieu, le Jeudi 6 Octobre 2005, 22:38 dans la rubrique Textes.