Bonne Lecture.
René.
For the english readers, the english version is down there after the French one. Good Reading to you.
Judith Merril
Un Souvenir en Forme de Conte de Fées
C'est lors de la convention de SF Boréal 1982 à Chicoutimi que j'ai, pour la première fois, rencontré Judith Merril autrement que dans ses écrits. Je n'étais alors qu'un très jeune écrivain ayant à peine publié un livre et une poignée de nouvelles, totalement inconnu dans la SF anglophone. De Judith, je ne connaissais à l'époque que son classique "That Only A Mother" et quelques autres nouvelles, uniquement en traduction, mais j'avais beaucoup aimé et j'étais fort impressionné par un tel talent d'écrivain. Je tenais beaucoup à le faire savoir à l'auteure. Rassemblant tout mon courage et mon pauvre anglais trébuchant d'alors, je me suis approché de Judith et lui ai dit d'enthousiasme tout le plaisir que m'avait procuré déjà le peu que j'avais pu lire de ses écrits, tout en déplorant grandement la rareté de ses nouvelles disponibles en français et la difficulté de les trouver, la plupart étant dispersées dans de trop rares anthologies et d'anciennes revues alors pratiquement introuvables pour moi. La chaleur de l'accueil et de l'attention qu'elle m'accorda alors me ravissent et me stupéfient encore aujourd'hui par-delà les ans. Je me souviens avant tout de son sourire et surtout de son intense regard pétillant qui vous accrochait et ne vous lâchait plus, de sa qualité d'écoute. Plus tard, je découvris également toute l'ampleur de son intelligence, de son dynamisme, la substance particulière de son humour, sa profonde humanité et son ouverture à tout ce qui était nouveau et différent. Après quelques minutes seulement, j'avais presque l'impression que nous nous connaissions depuis des années. Nous eûmes alors une longue et passionnante conversation sur la SF littéraire japonaise, les problèmes de la traduction et l'avenir de la SF Canadienne à laquelle s'étaient rapidement joints mon ami Serge Mailloux et surtout Carolyn J. Cherryh, mon autre grande rencontre anglophone de cette convention, qui fit parfois aimablement le pont entre Judith et moi, par son excellente connaissance de ma langue. Je me souviens aussi à quel point Judith déplora alors de ne pas pouvoir parler le français, ce qui me sembla alors autant aimable que sincère. Je sortis de cette expérience absolument charmé, stupéfait et persuadé que la personne humaine et l'écrivaine n'avaient rien à envier l'une à l'autre. Mais je n'avais encore rien vu, rien entendu.
Le lendemain, quand nous nous retrouvâmes, le première chose que fit Judith fut de me tendre, avec un sourire que je ne suis pas près d'oublier, deux de ses livres dans un geste d'un naturel, d'une élégance et d'une générosité tels que j'en suis encore impressionné aujourd'hui. Maintenant je pourrais la lire, ses belles nouvelles me seraient accessibles. C'était un instant proprement magique, gratuit et superbe, qui ne demandait rien en retour, en contrepartie, et qui me laissa comme un naufragé qui retrouve la rive, tout trempé de reconnaissance. Quelle classe ! Cette femme était vraiment une grande Dame. Avant même que je me sois un tant soit peu remis, nous avions pratiquement repris notre conversation de la veille comme si de rien n'était. Mais ce n'était pas le cas, croyez-moi. C'est un euphémisme de dire ici que je chéris et conserve soigneusement le souvenir de ces moments depuis.
Plus tard, au long des années, nous nous sommes rencontrés à nouveau, malheureusement souvent de manière trop brève, mais toujours aussi chaleureuse. Judith se souvenait de moi à chaque fois, même si parfois de nombreuses années s'étaient écoulées. Lors d'une de ces occasions, je lui remis un exemplaire de mon unique livre d'alors, dédicacé en anglais, de mon point de vue, un bien faible remerciement comparé au plaisir qu'elle m'avait déjà fait.
Mon anglais est bien meilleur aujourd'hui et les livres écrits ou édités par Judith — surtout les deux qu'elle m'a donnés — occupent maintenant presque tout un rayon de ma bibliothèque. Chacun d'eux m'est une joie et un plaisir, et maintenant aussi, plus tristement, une consolation. Et le propre de la consolation est de suivre la peine...
D'autres que moi parleront assurément avec plus de talent, de justesse et de compétence de l'importance de Judith dans l'histoire de la SF moderne, de la qualité de son travail d'auteure et d'anthologiste, de ses talents de découvreuse d'auteurs de qualité ou "différents", d'écrivains de SF non-anglo-saxons ou venant de "l'autre littérature" , de l'exemple qu'elle fut et reste pour des générations d'écrivaines par son caractère de pionnière dans ce qui était parfois considéré comme "une littérature pour hommes" , de ses efforts de rassembleuse et d'accoucheuse de la SF Canadienne écrite dans les deux langues officielles, et de tous ses autres accomplissements. Ceux qui la côtoyèrent au long des années et qui la connaissaient mieux que moi pourront vous parler de la femme, de la personne humaine et de ses qualités, de ce qu'ils ont partagé avec elle. Je me contenterai de dire ici mon respect et mon admiration pour l'auteure et l'anthologiste de talent et de la remercier pour ces fortes et superbes histoires, pour tant de moments de plaisir, d'intelligence, de pensées, de réflexion, d'interrogation, de subtilité, de passion, de sensibilité, de poésie, de beauté, d'intensité et d'émotion, et pour tant de découvertes faites par son intermédiaire. Je me suis contenté de partager avec vous un souvenir très cher qui m'émeut encore aujourd'hui.
Notre genre et le monde tout entier sont plus pauvres sans Judith. Je suis plus pauvre sans elle.
Elle montrait la bonne voie à suivre.
Je rapporterai tout de même une dernière anecdote démontrant bien l'attrait que suscite l'oeuvre de la dame pour qui l'a découverte et pratiquée un tant soit peu. Il y a maintenant quelques mois, après bien des années de recherches infructueuses, j'ai réussi à découvrir, à la Bibliothèque de l'Université Laval de Québec, un des maintenant rarissimes exemplaires de son roman Shadow on the Hearth, un classique de l'époque de la terreur nucléaire, reconnu comme tel et célébré pour ses mérites par tous les critiques et commentateurs mais qui ne fut pourtant, à ma connaissance, jamais réédité, ce qui est proprement un scandale. Je vous l'avoue, j'ai presque eu un instant envie de le voler, mais j'ai résisté en pensant à tous les autres usagers de la bibliothèque qui ne pourraient alors plus le lire. Alors, je l'ai photocopié en entier. Je le voulais bien à moi, je voulais pouvoir le lire tranquillement, le relire quand je le voudrais, et c'était bien la seule manière dont je pouvais le faire. Voilà le genre de passion que peuvent susciter la prose et les récits de Judith. Je crois que cette histoire l'aurait bien gentiment amusée... René Beaulieu
Judith Merril
Memories Like a Fairy Tale
It's at the SF Convention Boréal 1982 in Chicoutimi that I had met Judith Merril for the first time, I mean otherwise than in her writing. I was then a very young writer with only one book and a handful of stories published, totaly unknown of the anglophone SF world. Of Judith, I had only seen, at this time, her classic "That Only A Mother" and some other short stories, only in translation, but I had very much liked the stuff and was very much impressed by the talents of such a writer. In fact, I was very anxious to let it known to the author of these stories. Packing all the courage and the poor trembling english that I known then, I came near to Judith and had said her, with enthusiasm, all the pleasure that have already given me the too little that I can had read of her writing, greatly mourning over the rarity of her short stories avalaible in French and the difficulty to find them, for the most part scattered in some too rares anthologies et ancient magazines pratiquely infindables by me these days. The warmth of his welcome and the attention that she had given me then ravished and amazed me again beyond the years. Before anything else, I remember of her smile and also of her intense eyes that grabbed you and never let you go, of the quality of her presence and listening. Later, I had also discovered the wide of her intelligence, of her dynamism, the peculiar substance of her humor, her profond humanity and her openness at all that was new and different. After only a few minutes, I have had almost the impression that we were knowing each other for years. We had there a long and interesting chat on japanese litterary SF, problems of translation and the future of Canadian SF in witch we were rapidly joined by my friend Serge Mailloux and before all Carolyn J. Cherryh, my other great anglophone meeting of this convention, who had sometimes friendly helped to build bridges between Judith and me with his excellent knowing of my language. I also remember how Judith was sorry to not know how to talk French, a declaration that had seemed to me both friendly and sincere. I had come out of this experience absolutely charmed, amazed and persuaded that each ones, the human being and the writer, were no less noble and respectable than the other. But I ain't seen nothing yet, ain't heard nothing yet.
The next day, when we meeted again, the first thing that Judith had made was to give me, with a smile that I will never be able to forget, two of his books with a gesture so natural, of such elegance and generosity that it impressed me again even today. Now I will be able to read her, her beautiful short stories will be accessible to me. That was a moment of proper magic, free and superb, where nothing was asked in contrepart, and that had left me like a shipwrecked person who fond back the shore, all drench with reconnaissance. What a class ! That woman was really a great Lady. Even before I had begin to recovered, we were continued our precedent chat of the day before like if nothing had happenned. But that was not the case, believe me. It's nothing to say here that I cherish and caringly keep the memories of these moments since.
Later along the years we had meet again, sadly often to briefly, but always with equal warmth. Judith remembered me each time, even if sometimes years had passed in numbers. In one of these occasions, I had given her a copy of my only book of then, signed in english, in my opinion, a very little thank compared to the pleasure that she had already made me.
My english is better today and the books written or edited by Judith — before all the two that she had given to me — now fill almost all a shelf of my library. Each one of them is a joy and a pleasure for me, and now also, more sadly, a consolation. And the nature of consolation is to follow sorrow...
Other people will surely be able to speak with more talent, aptitude and competence than me of the importance of Judith in the history of modern SF, of the quality of her work like writer and anthologist, of her gifts in discovering authors of quality or authors who were "differents" , and non-anglo-saxons SF writers, or writers coming from the "other litterature" , of the example that she was and still remains for generations of women writers by her pionneering position in what was then sometimes considered like a "men's litterature" , of his efforts in reassembling and delivering the Canadian SF written in the two official languages, and of all her others accomplishments. Those who were near to her along the passing years and who had known her better than me will be able to talk of the woman, of the human being and her qualities, of all that they had shared with her. I will restrict myself to tell here my respect and my admiration for the talented writer and anthologist and to thank her for these strong and superb stories, for so much moments of pleasure, of intelligence, thoughts, reflexion, interrogation, subtility, passion, sensibility, poetry, beauty, intensity and emotion, and for so much discoveries made by her intermediary. I restrict myself to share with you a memory that is very dear to me and that moves me again today.
Our genre and the whole world is poorer without Judith. I am poorer without her.
She was showing the good way to follow.
I will again report you a last anecdote showing well the attraction that produces the work of the lady for those who had discovered and practiced it, even only a little. Some months ago from now, after many years of infructuous research, I had succeed in discovering, in the Laval University's Library of Québec, one of the now so rare copies of her novel Shadow on the Hearth, a classic of the time of the nuclear terror, renowed for that and celebred for his merits by all critics and commentators but that, in spite of all this, had never, in my knowing, been rissued, such a thing that is in itself a real scandal. I will confess you that I have had, for a moment, almost the real tentation to stole it, but I had restrain myself, thinking about of all the other users of the library that will no more be able to read it. So I photocopied it all. I was wanting it for me, I was wanting to be able to read it quietly, to rerad it when I want it, and well, I think that was the only way that I can do it. That is the kind of passion that can bring the prose and the tales of Judith. I believe that this story will have very much gently amused her...
René Beaulieu