Yes Album et Olias Of Sunhillow
--> Deux Chroniques Musicales Venues Du Passé
Voici un extrait, retravaillé et quelque peu modifié, d'un article sur deux disques de musique progressive (et leurs rapports avec la SF) publié jadis dans la revue Requiem et repris, bien des années plus tard, sur la toile mondiale.
Cela se laisse encore lire, je trouve.
Et je les soumets donc à votre attention et appréciation, cher lecteurs et lectrices.
MUSIQUE ET SF 1
(Début d'une possible série d'articles)
Nous allons débuter par un disque fondamental :
THE YES ALBUM (YES) - réf. Atlantic - SD 8283
Personnel : Jon Anderson - vocals - percussions
Chris Squire - basse - vocals
Steve Howe - guitare (électrique et acoustique) - vocals - vachalia
Tony Kaye - piano - orgue - moog
Bill Bruford - batterie - percussions
YES, c'est l'hydre, le cerbère à cinq têtes : si chaque tête tire dans une direction différente, vous avez un album ennuyant, froide démonstration de technique sans âme (RELAYER) . Si tout le monde va dans la même direction, se fond dans le groupe, vous avez un chef-d'oeuvre, un édifice, un monument, une colossale construction à l'architecture d'une ferme splendeur : YES ALBUM, FRAGILE, TALES FROM TOPOGRAPHIC OCEANS. YES, ce sont aussi des musiciens hors-pairs, monstres de technique, parfois engloutis par cette même technique. Revenons au disque.
THE YES ALBUM est le disque parfait pour fournir le fond sonore aux romans de space-opera de Heinlein ou de Hamilton, De nombreuses fresques spatiales, des vaisseaux chromés, de grandes batailles stellaires, l'exploration de l'espace, un certain dédain de l'homme "ordinaire" , des textes un brin ésotériques en prime, et surtout une musique, des sons qui évoquent irrésistiblement les grandioses épopées spatiales, la gloire des champs de bataille des nouveaux chevaliers du cosmos, la grandeur du destin de la race humaine et, surtout, les immensités qui sont le centre de l'épopée.
Face Un.
(Je signale que pour conserver l'unité d'atmosphère de l'album il est bon d'en extraire "The Clap" , pièce instrumentale de guitare acoustique enregistrée live, démonstration d'habileté de Howe... sans conséquence et ne cadrant pas du tout avec l'atmosphère générale de l'album) .
Première plage : "Yours No Disgrace" , composition collective du groupe
Voix descriptive, récitatrice et néanmoins très belle d'Anderson posée sur une trame homérique, construite par la guitare, la basse et la batterie, soutenu d'un orgue puissant, le tout évoquant la marche invincible d'une immense flotte spéciale appareillant. Puis, une brisure, non, des brisures, où plane la voix d'ange d'Anderson, accalmie où on voit Howe arpéger délicatement, puis se déchaîner dans le feu des réacteurs et les explosions des novas. Au niveau du texte, c'est l'évocation du début de l'épopée : vaisseaux spatiaux, descriptions et regrets sur le monde que l'on quitte, exaltation de l'espace, inquiétude aussi. Un chef-d'oeuvre d'accord entre la musique, la voix et le texte !
Plage # 2 - "The Clap"
On passe. Pour les amateurs de prouesses techniques.
Plage # 3 - "Starship Trooper" (Inspiré par le célèbre bouquin d'Heinlein ? )
Divisée en trois mouvements : "Life Seeker" (Anderson)
"Desillusion" (Squire)
"Würm" (Howe)
"Life Seeker" : la patiente recherche de planètes habitées, d'êtres, de mondes différents, évoqués par Anderson et une rythmique puissante où évolue une basse énorme, sinueuse, complexe, inventive. Une image des occupants du "Starship Trooper" , cherchant patiemment, inlassablement, les planètes à soumettre, à coloniser, une image coupée par une guitare étranglée et des passages planants où voix et claviers (moog surtout) esquissent de magnifiques et irréelles visions de mondes visités ou entr'aperçus. L'oeuvre musicale s'est éloignée à la vitesse de la lumière de son supposé modèle littéraire.
"Desillusion" : Le thème de "Life Seeker" s'interrompt abruptement, quoique sans à-coups, introduisant un superbe ensemble de guitares acoustiques, très rythmées, aux accents presque country-folk, joyeuses malgré le titre du mouvement, accompagnant des vocaux admirables et entremêlés de Howe, Anderson et Squire racontant les difficultés et déceptions des Life Seekers.
"Würm" : La voix d'Anderson s'élève seule, en état de grâce... "And you may follow... " Puis un long chant sans paroles célébrant le retour de l'espoir, la découverte d'un nouveau monde, appelant le retour des instruments électriques.
Et soudain on débouche sur un final d'accords de guitares et de moog s'étirant à l'infini, un final qu'on ne voudrait jamais voir finir. On ne sait pourquoi, le vaisseau ne s'est pas posé, et maintenant la musique, qui commence à s'enfler majestueusement par l'effet cumulatif des instruments, décrit la marche du navire qui s'éloigne dans le vide spatial, solitaire et glorieux, laissant Würm derrière lui, repartant pour l'ailleurs, englouti par l'ombre, la final éclatant dans un grandiose solo de Howe, plein d'une noble violence contenue.
Face 2
(Après l'époustouflante face un, on s'attend à être déçu... Ben non ! Tout du bon ! )
Première plage : - "I've Seen All Good People"
Divisée en deux mouvements : "Your Move" (Anderson)
"All Good People" (Squire)
Début acapella de Howe, Anderson et Squire, glissant dans une jolie mélodie à la guitare acoustique, accompagnée d'une pulsion ultra-simple de la base et du bass-drum. Des paroles ésotériques et bizarres ("Corner of your life... " ) , mais des vocaux, et je sais que je me répète, proprement angéliques, dignes des Beatles, des Beach Boys ou des Kinks. L'orgue termine seul le mouvement.
Deuxième mouvement : un rock percutant, enlevé et entraînant (On sent presque physiquement le plaisir que les musiciens prennent à jour le morceau... ) , sur lequel on chante inlassablement la même phrase. Puis une nouvelle brisure. (La musique de YES est caractérisée par une abondance de ce que j'appelle des "brisures mélodiques" par opposition aux "brisures hachées" d'un certain jazz-rock qui tuent la beauté formelle des compositions) . La voix et l'orgue terminent le morceau dans un effet de "fade" des plus plaisants. Une pièce d'une extraordinaire beauté.
Plage # 2 : - "A Venture" (Anderson)
Belle mélodie dominée par la guitare et les voix. Appel à l'homme pour qu'il ne se rende compte de sa vanité et de la solitude qui le ronge. Excellent, mais aurait dû être un peu plus travaillé et arrangé.
Plage # 3 : - "Perpetual Change" (Anderson-Squire)
Entrée apocalyptique, suivie en transition d'une guitare splendide. Puis ballade douce coupée par de violents retours à l'intro. Un texte sur le mode introspectif : constat, interrogation sur l'espace et les mondes intérieurs. Dialogues vocaux en forme de questions et réponses. Qu'est l'esprit de l'homme et sa destinée ?
Intermède : rythmique très complexe, vaguement "jazzée" où Howe éclate avec fureur. Retour à la ballade, Anderson concluant à l'évolution perpétuelle de la race humaine, mais aussi par sa domination par les "Autres" , ceux qui nous surveillent, nous contrôlent, nous ont peut-être créés. Des phrases admirables, presque poétiques : "We now look like paws in their games (that) they move to testify the day" . (Note : le thème de la surveillance et des Grands Anciens a tellement marqué YES qu'ils lui consacreront un double-album mystico-ésotérique, TALES FROM TOPOGRAPHIC OCEANS, vis-à-vis duquel mes sentiments sont partagés) . Le morceau se termine par un très bel hymne spatial comme dans "Starship Trooper" .
Un album superbe, indispensable. Des compositions superbes. Une rythmique ÉNORME, capable de violence, de finesse, de souligner les nuances de voix d'une beauté irréelle. Un claviériste au goût sur, aux interventions mesurées (rien à voir avec le verbiage d'un Emerson ou d'un Wakeman quand on leur lâche la bride) , avec en prime les plus BELLES parties de guitare jamais jouées par Howe (Béni soit le temps où il ne se croyait pas payé à la note jouée... ) , un Howe jouant avec la splendeur d'Harisson, la beauté formelle de Clapton et la folie d'Hendrix.
Un album fait en état de grâce !
Deuxième disque:
OLIAS OF SUNHILLOW - (Jon Anderson) - Atlantic - K 50261 (numéro de l'importation Française) . Mais vous devriez pouvoir le trouver en gravure Canadienne ou Américaine si mes sources sont bonnes...
Un des nombreux disques nés de la période solo des membres de YES, période solo rendue nécessaire par des conflits d'égos effroyables et surtout par le désir d'étaler des conceptions musicales et textuelles ne convenant pas à l'optique et la dynamique Yessiennes.
Chez YES, Jon Anderson c'est surtout la Voix et le Texte, la poète, l'homme des mots, le maître à penser de la philosophie de YES. C'est aussi, même s'il ne l'avoue qu'avec réticence, un leader frustré. Son album est donc celui d'un homme seul et d'un homme de mots. C'est beaucoup plus un roman, un récit illustré musicalement qu'un album musical. Le travail d'un homme seul, qui veut se libérer du groupe (Syndrome bien connu, voir les premiers albums solos de Lennon, McCartney, Roy Wood et autres... ) , perfectionniste de surcroît, qui enregistre l'album dans son propre studio, qui compose tous les morceaux, joue TOUS les instruments entendus sur le disque (Dieu sait qu'il y en a... ) de façon parfois naïve, discutable. (Mais quel effort tout de même pour quelqu'un qui n'est, somme toute, qu'un guitariste rythmique. Il ira même jusqu'à prendre des cours de harpe pour réaliser l'album) . Bien entendu, il chante toutes les partitions vocales.
Donc un album-roman, un concept. Anderson, pour être bien sûr d'être compris, a enveloppé son oeuvre d'une superbe pochette de Roger Dean, comme d'habitude, prêtant à des interprétations-rêveries variées et complexes, ésotériques à souhait, et l'a accompagné d'un livret très beau et poétique, auquel je me réfère pour vous donner une idée de l'histoire : à la base, l'histoire de la fin d'un monde, sur lequel (originalité) vivent quatre tribus dont la vie est réglée (est en résonance avec plutôt) la musique. Quatre tribus donc : Nagrunium, dont la voix sombre est celle des tambours, des tams-tams, des percussions, de tout ce que l'on frappe, Astrinus, au langage coulé des claviers électroniques, Oractanium, violence et instruments électriques, Nodronius, sons naturels.
Ces tribus ayant à leur têtes trois chefs : Olias, qui devra construire le vaisseau qui sauvera les tribus de cataclysme, Ranyart, guide spirituel et moral, Quoquac, véritable chef, homme des actions et des décisions. Sunhillow étant la planète promise à la destruction.
Comme on le voit, une magnifique histoire, originale et grandiose, poétique, paysagiste et descriptive au niveau textuel, au point qu'elle délaisse un peu l'action, laissant dans l'obscurité quelques points du récit.
C'est un disque difficile, dont il faut se pénétrer : un disque qui ne plaira pas à bien des Yesfans (Ce que je ne suis pas incondionnelment et constamment,même si c'est un groupe dont j'aime nombre d'albums et de périodes musicales, je m'empresse de le préciser) . Un disque qui mérite d'être écouté, pour les nouveaux concepts qu'il véhicule (J'adore cette idée de procéder par petits tableaux-morceaux... ) mais qui, malgré de nombreuses plages excellentes, laisse l'auditeur sur sa faim. Peut-être eut-il mis valu faire un livre de l'histoire d'Olias de Sunhillow.
René Beaulieu
Cela se laisse encore lire, je trouve.
Et je les soumets donc à votre attention et appréciation, cher lecteurs et lectrices.
MUSIQUE ET SF 1
(Début d'une possible série d'articles)
Nous allons débuter par un disque fondamental :
THE YES ALBUM (YES) - réf. Atlantic - SD 8283
Personnel : Jon Anderson - vocals - percussions
Chris Squire - basse - vocals
Steve Howe - guitare (électrique et acoustique) - vocals - vachalia
Tony Kaye - piano - orgue - moog
Bill Bruford - batterie - percussions
YES, c'est l'hydre, le cerbère à cinq têtes : si chaque tête tire dans une direction différente, vous avez un album ennuyant, froide démonstration de technique sans âme (RELAYER) . Si tout le monde va dans la même direction, se fond dans le groupe, vous avez un chef-d'oeuvre, un édifice, un monument, une colossale construction à l'architecture d'une ferme splendeur : YES ALBUM, FRAGILE, TALES FROM TOPOGRAPHIC OCEANS. YES, ce sont aussi des musiciens hors-pairs, monstres de technique, parfois engloutis par cette même technique. Revenons au disque.
THE YES ALBUM est le disque parfait pour fournir le fond sonore aux romans de space-opera de Heinlein ou de Hamilton, De nombreuses fresques spatiales, des vaisseaux chromés, de grandes batailles stellaires, l'exploration de l'espace, un certain dédain de l'homme "ordinaire" , des textes un brin ésotériques en prime, et surtout une musique, des sons qui évoquent irrésistiblement les grandioses épopées spatiales, la gloire des champs de bataille des nouveaux chevaliers du cosmos, la grandeur du destin de la race humaine et, surtout, les immensités qui sont le centre de l'épopée.
Face Un.
(Je signale que pour conserver l'unité d'atmosphère de l'album il est bon d'en extraire "The Clap" , pièce instrumentale de guitare acoustique enregistrée live, démonstration d'habileté de Howe... sans conséquence et ne cadrant pas du tout avec l'atmosphère générale de l'album) .
Première plage : "Yours No Disgrace" , composition collective du groupe
Voix descriptive, récitatrice et néanmoins très belle d'Anderson posée sur une trame homérique, construite par la guitare, la basse et la batterie, soutenu d'un orgue puissant, le tout évoquant la marche invincible d'une immense flotte spéciale appareillant. Puis, une brisure, non, des brisures, où plane la voix d'ange d'Anderson, accalmie où on voit Howe arpéger délicatement, puis se déchaîner dans le feu des réacteurs et les explosions des novas. Au niveau du texte, c'est l'évocation du début de l'épopée : vaisseaux spatiaux, descriptions et regrets sur le monde que l'on quitte, exaltation de l'espace, inquiétude aussi. Un chef-d'oeuvre d'accord entre la musique, la voix et le texte !
Plage # 2 - "The Clap"
On passe. Pour les amateurs de prouesses techniques.
Plage # 3 - "Starship Trooper" (Inspiré par le célèbre bouquin d'Heinlein ? )
Divisée en trois mouvements : "Life Seeker" (Anderson)
"Desillusion" (Squire)
"Würm" (Howe)
"Life Seeker" : la patiente recherche de planètes habitées, d'êtres, de mondes différents, évoqués par Anderson et une rythmique puissante où évolue une basse énorme, sinueuse, complexe, inventive. Une image des occupants du "Starship Trooper" , cherchant patiemment, inlassablement, les planètes à soumettre, à coloniser, une image coupée par une guitare étranglée et des passages planants où voix et claviers (moog surtout) esquissent de magnifiques et irréelles visions de mondes visités ou entr'aperçus. L'oeuvre musicale s'est éloignée à la vitesse de la lumière de son supposé modèle littéraire.
"Desillusion" : Le thème de "Life Seeker" s'interrompt abruptement, quoique sans à-coups, introduisant un superbe ensemble de guitares acoustiques, très rythmées, aux accents presque country-folk, joyeuses malgré le titre du mouvement, accompagnant des vocaux admirables et entremêlés de Howe, Anderson et Squire racontant les difficultés et déceptions des Life Seekers.
"Würm" : La voix d'Anderson s'élève seule, en état de grâce... "And you may follow... " Puis un long chant sans paroles célébrant le retour de l'espoir, la découverte d'un nouveau monde, appelant le retour des instruments électriques.
Et soudain on débouche sur un final d'accords de guitares et de moog s'étirant à l'infini, un final qu'on ne voudrait jamais voir finir. On ne sait pourquoi, le vaisseau ne s'est pas posé, et maintenant la musique, qui commence à s'enfler majestueusement par l'effet cumulatif des instruments, décrit la marche du navire qui s'éloigne dans le vide spatial, solitaire et glorieux, laissant Würm derrière lui, repartant pour l'ailleurs, englouti par l'ombre, la final éclatant dans un grandiose solo de Howe, plein d'une noble violence contenue.
Face 2
(Après l'époustouflante face un, on s'attend à être déçu... Ben non ! Tout du bon ! )
Première plage : - "I've Seen All Good People"
Divisée en deux mouvements : "Your Move" (Anderson)
"All Good People" (Squire)
Début acapella de Howe, Anderson et Squire, glissant dans une jolie mélodie à la guitare acoustique, accompagnée d'une pulsion ultra-simple de la base et du bass-drum. Des paroles ésotériques et bizarres ("Corner of your life... " ) , mais des vocaux, et je sais que je me répète, proprement angéliques, dignes des Beatles, des Beach Boys ou des Kinks. L'orgue termine seul le mouvement.
Deuxième mouvement : un rock percutant, enlevé et entraînant (On sent presque physiquement le plaisir que les musiciens prennent à jour le morceau... ) , sur lequel on chante inlassablement la même phrase. Puis une nouvelle brisure. (La musique de YES est caractérisée par une abondance de ce que j'appelle des "brisures mélodiques" par opposition aux "brisures hachées" d'un certain jazz-rock qui tuent la beauté formelle des compositions) . La voix et l'orgue terminent le morceau dans un effet de "fade" des plus plaisants. Une pièce d'une extraordinaire beauté.
Plage # 2 : - "A Venture" (Anderson)
Belle mélodie dominée par la guitare et les voix. Appel à l'homme pour qu'il ne se rende compte de sa vanité et de la solitude qui le ronge. Excellent, mais aurait dû être un peu plus travaillé et arrangé.
Plage # 3 : - "Perpetual Change" (Anderson-Squire)
Entrée apocalyptique, suivie en transition d'une guitare splendide. Puis ballade douce coupée par de violents retours à l'intro. Un texte sur le mode introspectif : constat, interrogation sur l'espace et les mondes intérieurs. Dialogues vocaux en forme de questions et réponses. Qu'est l'esprit de l'homme et sa destinée ?
Intermède : rythmique très complexe, vaguement "jazzée" où Howe éclate avec fureur. Retour à la ballade, Anderson concluant à l'évolution perpétuelle de la race humaine, mais aussi par sa domination par les "Autres" , ceux qui nous surveillent, nous contrôlent, nous ont peut-être créés. Des phrases admirables, presque poétiques : "We now look like paws in their games (that) they move to testify the day" . (Note : le thème de la surveillance et des Grands Anciens a tellement marqué YES qu'ils lui consacreront un double-album mystico-ésotérique, TALES FROM TOPOGRAPHIC OCEANS, vis-à-vis duquel mes sentiments sont partagés) . Le morceau se termine par un très bel hymne spatial comme dans "Starship Trooper" .
Un album superbe, indispensable. Des compositions superbes. Une rythmique ÉNORME, capable de violence, de finesse, de souligner les nuances de voix d'une beauté irréelle. Un claviériste au goût sur, aux interventions mesurées (rien à voir avec le verbiage d'un Emerson ou d'un Wakeman quand on leur lâche la bride) , avec en prime les plus BELLES parties de guitare jamais jouées par Howe (Béni soit le temps où il ne se croyait pas payé à la note jouée... ) , un Howe jouant avec la splendeur d'Harisson, la beauté formelle de Clapton et la folie d'Hendrix.
Un album fait en état de grâce !
Deuxième disque:
OLIAS OF SUNHILLOW - (Jon Anderson) - Atlantic - K 50261 (numéro de l'importation Française) . Mais vous devriez pouvoir le trouver en gravure Canadienne ou Américaine si mes sources sont bonnes...
Un des nombreux disques nés de la période solo des membres de YES, période solo rendue nécessaire par des conflits d'égos effroyables et surtout par le désir d'étaler des conceptions musicales et textuelles ne convenant pas à l'optique et la dynamique Yessiennes.
Chez YES, Jon Anderson c'est surtout la Voix et le Texte, la poète, l'homme des mots, le maître à penser de la philosophie de YES. C'est aussi, même s'il ne l'avoue qu'avec réticence, un leader frustré. Son album est donc celui d'un homme seul et d'un homme de mots. C'est beaucoup plus un roman, un récit illustré musicalement qu'un album musical. Le travail d'un homme seul, qui veut se libérer du groupe (Syndrome bien connu, voir les premiers albums solos de Lennon, McCartney, Roy Wood et autres... ) , perfectionniste de surcroît, qui enregistre l'album dans son propre studio, qui compose tous les morceaux, joue TOUS les instruments entendus sur le disque (Dieu sait qu'il y en a... ) de façon parfois naïve, discutable. (Mais quel effort tout de même pour quelqu'un qui n'est, somme toute, qu'un guitariste rythmique. Il ira même jusqu'à prendre des cours de harpe pour réaliser l'album) . Bien entendu, il chante toutes les partitions vocales.
Donc un album-roman, un concept. Anderson, pour être bien sûr d'être compris, a enveloppé son oeuvre d'une superbe pochette de Roger Dean, comme d'habitude, prêtant à des interprétations-rêveries variées et complexes, ésotériques à souhait, et l'a accompagné d'un livret très beau et poétique, auquel je me réfère pour vous donner une idée de l'histoire : à la base, l'histoire de la fin d'un monde, sur lequel (originalité) vivent quatre tribus dont la vie est réglée (est en résonance avec plutôt) la musique. Quatre tribus donc : Nagrunium, dont la voix sombre est celle des tambours, des tams-tams, des percussions, de tout ce que l'on frappe, Astrinus, au langage coulé des claviers électroniques, Oractanium, violence et instruments électriques, Nodronius, sons naturels.
Ces tribus ayant à leur têtes trois chefs : Olias, qui devra construire le vaisseau qui sauvera les tribus de cataclysme, Ranyart, guide spirituel et moral, Quoquac, véritable chef, homme des actions et des décisions. Sunhillow étant la planète promise à la destruction.
Comme on le voit, une magnifique histoire, originale et grandiose, poétique, paysagiste et descriptive au niveau textuel, au point qu'elle délaisse un peu l'action, laissant dans l'obscurité quelques points du récit.
C'est un disque difficile, dont il faut se pénétrer : un disque qui ne plaira pas à bien des Yesfans (Ce que je ne suis pas incondionnelment et constamment,même si c'est un groupe dont j'aime nombre d'albums et de périodes musicales, je m'empresse de le préciser) . Un disque qui mérite d'être écouté, pour les nouveaux concepts qu'il véhicule (J'adore cette idée de procéder par petits tableaux-morceaux... ) mais qui, malgré de nombreuses plages excellentes, laisse l'auditeur sur sa faim. Peut-être eut-il mis valu faire un livre de l'histoire d'Olias de Sunhillow.
René Beaulieu
Ecrit par René Beaulieu, le Mardi 13 Septembre 2005, 18:56 dans la rubrique Textes.