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Hommage à Esther Rochon
--> Ma Vision Personelle D'Une De Nos Meilleures Auteures
Cet article est important pour moi, et j'en suis particulièrement fier.

Il fut publié dans un numéro (le troisième) Spécial Esther Rochon bien mérité de l'excellente revue Ailleurs de Pierre-Luc Lafrance, il y a quelques années.

Ce numéro étant épuisé, voici une nouvelle chance pour vous de découvrir une auteure parmi les plus intéressantes de notre Littérature.

Mon seul désir ici est de vous faire partager mon plaisir, mon ravissement et mon émerveillement profonds et sincères devant cette oeuvre et cette femme et vous les faire découvrir.

Un des plus beaux présents que vous puissiez vous offrir à vous-mêmes est de lire un des livres de cette auteure. Alors, cet article aura atteint son but secondaire (et vous aura peut-être fait du bien, par la bande) , le premier étant l'expression de mon admiration étant pour Esther, ses livres, nouvelles et essais, et vous en comprendrez et ressentirez probablement mieux encore les mots et le contenu qu'à la première lecture.

Hommage À Esther Rochon par René Beaulieu

Esther et moi, ça fait déjà un moment que nous nous connaissons et nous apprécions.

En fait, c'est une amitié de plus de vingt ans là, une des plus belles, des riches et fidèles que j'ai connues dans ma vie.

Cela veut donc dire qu'on a bien eu tout le temps nécessaire pour s'apprivoiser, s'apprendre et se connaître, celui de bien se parler, se lire et s'apprécier. Et chacun des instants passé en compagnie d'Esther ou de ce qu'elle a écrit, comme vous le savez tous, est un moment riche, d'une qualité rare, précieuse et parfois d'une nature d'Éternité presque intemporelle.

Aussi n'espérez ici aucune réelle distance critique ou même une ombre d'objectivité de ma part...

Donc, pour revenir aux moments de la découverte, tout à commencé pour moi, en ce qui concerne Esther et son oeuvre, avec ma lecture de son bel article sur l'auteure Ursula K. Le Guin, paru dans le numéro de févriel-mars 1977, de la revue Requiem-Solaris, le premier que j'ai jamais eu en mains, un article rempli d'un charme particulier, de sympathie chaleureuse envers son sujet, de bon sens et d'une solide et pénétrante perception critique, comme toujours présenté avec une suprème élégance.

Mon exploration heureuse s'est ensuite poursuivie avec les articles suivants publiés dans la revue. Et puis est venue une petite merveille, d'une belle tristesse calme mais parfois un peu déroutante d'abord, la première fiction lue, la superbe nouvelle Fantastique "L'Escalier" , trouvée dans un numéro à couverture rouge (Ah déjà, l'importance, toujours renouvelée, des couleurs quand Esther, ou son oeuvre, sont concernées! ) de la prestigieuse Nouvelle Barre Du Jour.

Cette lecture me convainquit de me mettre à la recherche fébrile de son premier roman, En Hommage Aux Araignées. Et je l'avais avec moi depuis quelques jours à peine lors du premier Congrès de Science-Fiction Québécoise Boréal de 1979, cet événement capital et oh combien fondateur, fédérateur et initiateur, qui a si profondément changé, transformé, orienté ou modifié le destin personnel et professionnel, directement ou indirectement, tout de suite ou à plus long terme, de tant de gens ici présents, qu'Élisabeth Vonarburg en soit encore une fois ici très chaleureusement remerciée!

C'est à cette occasion que je rencontrai Esther pour la première fois, que je pus converser avec une personne pleine de talents et extraordinaire, d'un abord simple, d'une gentillesse, d'une ouverture, d'une attention et d'une générosité trop rares et bien précieuses dans le monde d'aujourd'hui. Je constatai avec bonheur notre sympathie commune, me fis dédicacer son livre et m'en reviens chez moi avec les trésors multiples d'une amitié naissante, qui n'a cessé de s'approfondir et de se consolider depuis, et qui allait littéralement changer ma vie, rien de moins, et transformer profondément mon travail et ma carrière d'écrivain.

Pensez-y bien ici: je suis alors rentré de Chicoutimi avec En Hommage Aux Araignées dans une main et le manuscrit d'une des versions du roman Tyranaël d'Élisabeth Vonarburg sous le bras. Ce ne fut pas donné à tout le monde de faire de telles découvertes simultanément et de découvrir les oeuvres de deux auteures extraordinaires, qui allaient bientôt me ravir artistiquement, émotionnellement et esthétiquement, en plus de déterminer, influencer et orienter de manière majeure et profonde ma vision, mon travail et ma carrière, à l'époque à peine naissante, d'écrivain. J'allais passer à travers plus d'une transformation majeure et déterminante.

Je vécus là un mois de magie, d'énergie, de découvertes multiples et passionnantes, d'émerveillement absolu, de révélations de tous genres, de communions avec des esprits soeurs parlant le même language que le mien, ou plutôt que celui que je cherchais encore alors pour me découvrir, m'extraire de moi-même, me donner tout seul naissance au point de vue littéraire, m'exprimer correctement et gracieusement, et de plaisirs multiples, variés, intenses et continus.

Pour la petite histoire, j'ai commencé par lire, savourer et me perdre dans le beau court roman d'Esther avant de m'engloutir bienheureusement dans l'ample fresque d'Élisabeth.

Encore aujourd'hui, je ne me suis pas complètement remis de ces deux lectures l'une après l'autre, et des effets considérables qu'elles ont eu sur et pour moi. Et je ne souhaite pas encore m'en remettre...

Le reste est de l'Histoire Littéraire, ou presque... Cela fait partie de la charpente constitutive de l'histoire de la Science-Fiction et du Fantastique au Québec.

Rappelons donc brièvement ici le parcours littéraire réussi et exemplaire d'Esther. Elle a, à ce jour, écrit et fait publier 16 livres, romans et recueils de nouvelles, et non des moindres, en littérature de l'Imaginaire comme, parfois, dans le domaine de celles dites plus générale ou "pour jeunes" et cela, sans faire de concessions sur sa vision et son projet d'ensemble, ni sur la grande qualité constante d'une oeuvre exigeante ou l'intelligence et l'effort participatif et associatif qu'elle demande à son lecteur. Elle a également fait publier de nombreux récits et nouvelles dans diverses revues et anthologies, ici et ailleurs en Francophonie. Son magnifique roman Coquillage, après une carrière qui suscita des critiques élogieuses, tant en provenance du milieu des amateurs d'Imaginaire que de celui qui lui est extérieur, et lui apporta mains lecteurs fidèles, fut traduit et publié en Anglais ainsi qu'un certain nombre de ses nouvelles. Son autre beau roman, Le Rêveur Dans La Citadelle, le fut dans la langue de Goethe, quant à lui, et édité par deux fois.

La réception critique pour l'ensemble de son oeuvre fut, la plupart du temps et plus souvent qu'autrement, presque unanime à souligner l'excellence, l'ampleur, l'importance et la qualité de ses écrits et à souligner son importance et l'originalité de sa voix dans la littérature Québécoise, surtout celle provenant du milieu qu'elle chérit le plus et où nous avons l'honneur et le bonheur de la voir exercer ses talents, la plupart du temps. Comme nous le disons si souvent entre nous: "Esther écrit du Rochon" et personne d'autre ne pourrait le faire, surtout aussi bien.

La réception du public qu'elle a rejoint au fil des années ne fut pas moins enthousiaste, que ce soit pour l'une ou l'autre de ses vastes et amples visons romanesques, celles de Vrénalik ou des Chroniques Infernales, qui forment que comme vous le savez maintenant, une seule et même fresque englobante et peut-être encore plus particulièrement pour un roman aussi facilement abordable que Coquillage qui toucha profondément, fortement et simultanément, un public spécialisé connaissant déjà bien ses écrits et un autre, celui, plus large peut-être, dit-on, de la littérature plus générale, amenant la réimpression du livre et des rééditions, légèrement modifiées ou augmentées des précédents, En Hommage Aux Araignées sous le titre L'Étranger Sous La Ville et L'Épuisement Du Soleil (Quel beau titre, en passant! ) en deux volumes sous les titres de Le Rêveur Dans La Citadelle et L'Archipel Noir, toutes choses qui ne sont pas si courantes que cela dans notre littérature.

Rappelons encore que l'ensemble de l'oeuvre publiée par l'auteure lui valut, au cours des ans, la reconnaissance prestigieuse de pas moins de quatre Grands Prix de la Science-Fiction et du Fantastique Québécois en 1986, 1987, 1991 et encore récemment, cette année, pour Or, son précédent roman, et un nombre au moins aussi grand de mises en nomination comme finalistes en dépit d'une concurrence toujours plus abondante par le nombre d'auteurs et d'ouvrages et remarquable par sa grande qualité. Ce n'est vraiment pas rien et aucun autre écrivain du domaine, en dépit de leurs forts divers et considérables talents, ne peut prétendre à un tel palmarès. Et tous ces Prix furent plus qu'amplement mérités, à mon humble avis.

Ceci est pour l'histoire bien générale et officielle.

Mais maintenant, je vais vous parler plus précisément et personnellement de qui est Esther et de ce que son oeuvre fut, est et demeure encore pour moi.

C'est un glorieux privilège pour nous qu'Esther ait choisi, par goût, intérêt et affiliation, de s'exprimer surtout, mais pas uniquement, dans la SF, la Fantasy et le Fantastique. Et qu'elle soit parmi les auteurs qui ont littéralement donné naissance, langue et corps à la forme la plus contemporaine de nos genres au Québec. Les conséquences en sont très importantes, diverses et multiples. D'une certaine manière, nos auteurs phares de sa génération fondatrices, sont encore les meilleurs que nous ayons produits. Nous sommes entrés, avec Jacques Brossard, Élisabeth Vonarburg et Esther directement dans notre propre Age D'Or de nos littératures en quelque sorte. Nous avons débutés avec nos Le Guin, nos Sturgeon, nos Simak, nos Delany, nos Jack Vance et nos Gene Wolfe, rien de moins! Et comme deux de ces auteures étaient des femmes, les conséquences sur leurs émules féminines furent encore plus capitales et considérables que celles sur leur contrepartie masculine. En témoignent le nombre considérable et surtout la qualité des jeunes auteures qui s'expriment avec bonheur dans nos genres, bien fortes de l'exemple très concret et des réalisations de celles qui les ont précédées avec tant de force, d'originalité et de talent. En effet, pour parler plus précisément d'Esther, voilà quelqu'un qui a imaginé et patiemment édifié et écrit, à partir de l'enfance, à travers l'adolescence, les études, l'âge adulte, le mariage, la maternité, les considérables tâches quotidiennes accaparantes, très exigeantes et très "grugeuses" de temps, même si également bien agréables, valorisatrices et surtout gratifiantes, quand on les a volontairement et consciemment choisis, d'avoir une famille et de "tenir maison" , bref, qui a donné naissance à une oeuvre vaste, très complexe et exigeante, nourrie de son monde intérieur autant que du monde extérieur et de leurs interactions communes, parfois, surtout au début, dans un environnement culturel et éditorial qui n'était pas encore vraiment très ouvert ou propice à l'accueillir et certainement peu familier avec les genres où elle créait. Esther et les autres auteurs de sa génération, ont "essuyé les plâtres" , en quelque sorte, pour tous ceux qui ont suivis, et nous devrions lui être grandement reconnaissants de ce travail d'abnégation et de pionnière courageuse. Je rigole doucement quand j'entends divers fonctionnaires, professeurs d'université et autres employés "sécurisés" se plaindre hautement et amèrement de leur charge de travail et de leur manque de temps pour créer (et s'en servir comme excuse pour ne plus rien écrire et vivre ainsi sur une oeuvre et une réputation remontant bien à dix ou vingt ans, du temps où ils étaient "jeunes et fous" ) quand je compare leur situation avec celle d'une mère de famille "faisant tourner la maison" , même avec l'aide d'un mari compréhensif et plein de bonne volonté partageant les tâches déjà mentionnés, édifiant patiemment et avec art une double cathédrale aussi ambitieuse que celle des Cycles de Vrénalik et des Chroniques Infernales et produisant de nombreux autres articles, romans et nouvelles en plus.

Et quand, en plus de tout cela, cette personne est ou a été, réellement et fortement, souvent très impliquée, tant humainement, politiquement que socialement et spirituellement dans la vie du monde, celle de la Cité, de son milieu culturel et littéraire et celle de ses semblables, amis et confrères, on réalise vraiment quelle femme extraordinaire d'énergie et de dynamisme on a devant soi.

Car c'est bien là une des facettes d'Esther les moins connues, parce qu'elle est d'un naturel discret et modeste pour ces choses, comme pour bien d'autres, que celle de l'Esther socialement active, de son implication bien concrète et généreuse, par son temps, son argent et ses efforts dans de multiples et importantes causes, écologiques, humanitaires et sociales. Elle a soutenu activement presque tous les organismes importants connus, d'Amnistie Internationale à Vision Mondiale en passant le Wildlife Fund, existant dans cette province, fait sa part de marches de protestations contre les injustices et l'insoutenable, pris personnellement sous son aile bien des gens et des causes.

Et son implication dans la communauté de la SF Québécoise n'est pas moins grande. Combien de projets louables, de nouveaux espaces de publications, de débats et d'échanges d'idées ne seraient pas nés, ou n'auraient pas survécus, ou alors beaucoup plus difficilement, sans elle et son apport désintéressé? Je ne mentionnerai ici que la prestigieuse revue Imagine... dont elle fut, on le néglige trop souvent, une des membres fondateurs et la série d'anthologies Transes Lucides au collectif d'édition de laquelle elle appartient d'importance. Et j'épargnerai ici sa pudeur et sa modestie en ne mentionnant pas ses actes et son implication du même genre exercés, cette fois, pour de simples individus privés, pour ses frères et soeurs humains, et cela pour ne pas heurter sa discrétion habituelle et sa réserve naturelles, que je mets ici bien à l'épreuve, et sa volonté de se tenir loin des illusions trompeuses de honneurs et de la publicité, me contentant de mentionner quelques mots simples mais lourd de sens comme Tibet, Arménie, Prison et Enfance et vous laisser deviner ce qu'il en est vraiment...

Une auteure Québécoise de SF bien connue et moi disons souvent, entre nous, qu'Esther peut découvrir de la vie et de la beauté absolument n'importe où, à n'importe quel moment et dans n'importe quelles conditions ou circonstances. Je crois bien sincèrement qu'en vous promenant avec elle dans une forêt complètement dévastée par une grand et terrible incendie quelques jours auparavant, Esther pourrait vous faire découvrir une nichée de petits oisillons encore vivants cachés et perdus dans les branches nues, tordues et desséchées d'un arbre brûlé jusqu'au coeur et vous exhiber une photographie parfaitement intacte, et en couleurs, de charmants chatons ramenée de sous la couche de cendres grises déjà refroidies. Et elle emporterait les oisillons chez elle pour en prendre soin jusqu'à l'âge adulte et trouverait bien le moyen de rendre la photographie perdue à sa propriétaire.

Je ne vous parlerai pas vraiment ici de notre amitié, précieuse et irisée, lumineuse et complète. C'est trop personnel et surtout trop privé. De toutes manières, je ne trouverais pas les bons mots, ceux qu'il faudrait. Et vous ne comprendriez peut-être pas là, en dépit de toute votre bonne volonté. Comme je ne pourrais bien comprendre ou ressentir vraiment la nature et l'ampleur votre propre relation ou amitié individuelles avec Esther dans tous ses chatoiements et toutes ses ramifications possibles.

Je ne vous parlerai donc pas de sa présence, sa disponibilité, sa patience et sa bienveillance. Je ne vous parlerai pas de joyaux semi-précieux, de gemmes pleurés par des yeux humains, d'Oeils De Chat sur du velours rouge, d'écureuils gris dans les bois, des Quatre Forts Vents, du Corbeau à l'aile brisée qui attend à la fenêtre, du dessin d'un bel arbre noir, dénudé et fier, de pergraphies mystérieuses et hypnotisantes de beauté, de nombreuses promenades enchanteresses sur le Mont-Royal ou dans les rues du Vieux-Québec, des conversations instructives et réjuvénantes, et particulièrement d'une longue expédition, véritablement magique, un mystérieux trajet en métro, en autobus puis à pied dont j'ignorais tout de la destination, par un bel après-midi de début du printemps, jusqu'à la pointe orientale extrême de l'Ile de Montréal où nous partageâmes ensemble le plus beau paysage qui soit et le ravissement des plaques de glace pure et blanche, éclatantes sous le soleil, dérivant et tournoyant lentement, pour nous seuls, comme dans un ballet de Rêve chorégraphié par le chaud et le froid, dans l'écheveau continuellement mouvant et changeant des différents courants qui se rejoignaient et de mélangeaient harmonieusement au sein de la plus magnifique des eaux bleue royal. (Et je ne sais toujours comment elle a bien pu savoir que ce spectacle de poésie du réel nous serait alors donné à tous les deux, en ce jour et à cette heure bien précise... ) . Je ne vous parlerai pas du plus beau coucher de soleil rouge que j'ai vu de ma vie, un jour d'hiver récent, sous un des Ponts de la Rivière St-Charles, des rires et des plaisanteries, des multiples petits moments de bonheur tranquille et de ravissement partagés, des silences communs, des paroles colorées jetées dans le vent comme des feuilles d'automne, des consolations, des soutiens, des conseils et des espoirs multiples et irisées.

Mais c'est bien cela la magie d'Esther et de ce qu'elle écrit. Je crois bien que, quelque part, elle est vraiment une Sorcière de la vie ordinaire, une Anar Vranegal ou une Ivendra de l'Extraordinaire et une jayènne des noces des Rêves et de la Réalité.

Donc non, je ne vous parlerai pas vraiment de tout cela. Et de tant d'autres choses.

Comme je l'ai déjà dit, c'est à nous là.

Comme tout ce que vous avez vécu de magique ou seulement de personnel ou de particulier avec elle est à vous et rien qu'à vous.

Mais je vous parlerai bien volontiers encore un peu de l'effet profond que ses livres ont eu et continuent d'avoir encore sur moi et sur ma vie. Comme vous pourriez bien me parler de ceux qu'ils ont eu et ont encore sur vous et sur votre existence propre.

Revenons donc ici plus précisément à Esther l'auteure et à son oeuvre, après avoir parler de l'amie, de la femme et de la personne humaine. J'aime beaucoup de très nombreux écrivains, mais seule une petite poignée d'entre eux possèdent le don rare ou le talent spécifique d'aller me chercher au fond de moi, dans mon être le plus intime, de me ravir constamment, et de m'offrir toujours une vision du monde vraiment enrichissante, complémentaire ou compatible avec la mienne, de me proposer constamment des idées nouvelles, valables et réellement applicables à ma vie personnelle et sociale de tous les jours, à ma compréhension de ma propre vie et à mes relations avec les autres. Ils ont tous contribué à la formation de mon éthique et ont profondément changé et influencé ma pensée, mon existence, ma création et mon travail d'écrivain. Esther fait indiscutablement partie de ces auteurs.

D'abord, comme pour ces écrivains, par l'exemple de sa seule publication, par sa lecture, par les directions qu'a prises son oeuvre, Esther m'a prouvé, hors de tout doutes, que ce que je voulais faire, le ton que je voulais donner à mes écrits, les problèmes et préoccupations que je voulais aborder étaient légitimes, valables et, qu'en m'inspirant de sa trajectoire tout en cultivant ma voix propre (car je n'ai pas la prétention ni surtout l'ambition d'écrire comme elle, de chanter avec sa belle voix, d'emprunter ses thèmes, ou son monde intérieur, d'atteindre à l'élégance et à la richesse souple de son style et de sa pensée) , je pouvais oeuvrer dans cette direction générale, que ma démarche était valable, prégnante et que j'avais bien eu raison de la choisir.

Je ne saurais dire à quel point tout cela fut et reste encore important pour moi.

Plus spécifiquement encore, la deuxième version de ma nouvelle "Miroirs" ne serait pas ce qu'elle est sans Esther, la lecture attentive qu'elle en fit à l'époque, les avis et les conseils fort pertinents et surtout précieux qu'elle me prodigua généreusement alors. Ma novella "Dernier Chant" entretient des résonances thématiques certaines mais pas exclusives avec son roman L'Épuisement du Soleil et une autre nouvelle, "Les Habitants Du Froid" , toujours en cours d'écriture, me vient très directement de la lecture d'oeuvres comme "La Nappe De Velours Rose" et de l'influence générale d'Esther sur mon travail. Je ne l'aurais jamais même commencée si je n'avais rencontré cette convergence de nos deux visions personelles.

Elle m'a conté les plus belles histoires, peint les plus beaux tableaux ou paysages, fait vivre ses Rêves, et ses Cauchemars également, connaître les plus vivants, réels, touchants et sympathiques personnages qui se puisse imaginer. Elle m'a fait visiter l'Archipel de Vrénalik, en a fait de moi un citoyen à demeure, un immigrant légal, un habitué des chemins de Vrend et des pierres et des caves peuplés d'arachnides de la Citadelle, un cartographe passionné d'Isther-Inga, m'a fait connaître des climats et des paysages qui vivront pour toujours dans mon coeur et mon esprit, présenté et fait connaître l'histoire et les destins de gens riches et merveilleux, qui me sont devenus des amis précieux, constants et fidèles. J'aime profondément ces pays et ces gens. J'ai touché le beau nacre blanc et lisse de son Coquillage, voyagé dans son Labyrinthe déroutant, pris son Traversier jusqu'à l'Ile de Vrend, pour des voyages à nul autres semblables, vu ses monstres pathétiques, fiers, différents, misérables ou encore fabuleux, suis presque devenu, par sa grâce et son talent, un Sorcier ou un Jayènn, ai Rêvé avec son Rêveur, vu une lumière précieuse et à nulle autre pareille à travers sa Forêt de Vitrail, cherché avec elle l'Ombre et le Cheval perdus dans leur beau et primordial désert, pleuré sur le destin terrible et magnifique du peintre Séril Daha en admirant ses oeuvres, affronté les terribles Juges du Destin, détruit la verte et symbolique Statue du Dieu Hatzléen pour libérer le Peuple Asven, me suis retrouvé à La Double Jonction Des Ailes, ai profondément aimé et apprécié ces amies extraordinaires que sont Anar Vranegal et Lame, appris avec elles la sagesse et la compassion, me suis pris d'une profonde affection pour cet être hésitant mais splendide même et surtout dans ses faiblesses qu'est Taïm Sutherland, reconnu et apprécié Rel pour ce qu'il est, écouté, compris et bien appris d'Ivendra, fréquenté les Filles de Chann, chevauché la Dragonne De L'Aurore jusqu'au bout de la vérité de ses mondes inventés.

Je me suis allongé sous les murailles des ruines de son Arxann, ai descendu ou monté son Escalier, ramassé ses Étoiles De Mer sur la plage ou nagé avec elles, mais moins bien qu'elles, car je n'ai que deux bras et deux jambes, dans la splendeur de l'Océan ou la vastitude du ciel. Je l'ai aidé à Nourrir Les Fantômes Affamés, j'ai enveloppé mes possessions dans sa Nappe De Velours Rose et suis parti avec elle vers des pays où l'on tombe dans des Pièges À Souvenirs tendres, nostalgiques, douloureux ou délicieux, j'ai regardé avec elle Aux Fond Des Yeux, les nôtres et ceux de autres, et ai compris alors un peu mieux tout ce qui s'y trouvait vraiment. Comme elle et en sa compagnie, j'ai rendu Hommage Aux Araignées, Rêvé dans la Citadelle, reconnu et parcouru L'Archipel Noir en tous sens, comme nous le faisons si souvent avec Québec et Montréal, parlé et échangé avec L'Étranger Sous La Ville, vu, vécu, ressenti et connu L'Épuisement Du Soleil, exploré tout L'Espace Du Diamant. J'ai Aboli ou gardé ses Secrets avec elle, fait une Ouverture avec sa Lame et cherché entre les racines du Sorbier l'Or tendre et très précieux qui y était bien caché, mais pourtant toujours à la vue de tous.

J'ai vécu plusieurs autres vies, aimé plusieurs autres amis et amours, entrevu plusieurs autres mondes, rêvés plusieurs autres Rêves.

Et en plus de tout cela, Esther a inventé, construit et décrit, avec L'Espace Du Diamant, une des très rares Utopies réalistes et fonctionnelles que j'ai connues et dans laquelle j'aimerais bien vivre sans trop de réserves. Ce qui est vraiment un exploit pour mon cas...

Quant à son écriture...

Comme la vision du monde exprimée par Esther, elle est souvent formée et remplie, à la fois d'une observation très exacte de la réalité la plus terre à terre, des plus oniriques et merveilleux élans du Rêve, d'une subjectivité bien assumée et revendiquée, d'une légère touche de romantisme, d'une bien gentille ironie, très subtile mais toujours lucide, d'une retenue prenante, d'une superbe précision et d'une symbolique élégance poétique dans la métaphore, les images, visions et descriptions, d'une grande variété des couleurs, sensations et émotions décrites, d'une exploration de toutes les beautés et les horreurs, les joies et les peines de notre monde et de ses propres mondes, de ses récits et de leurs personnages imaginaires (Des contes qui, comme le disait déjà Boris Vian, de ses propres histoires, en sont d'autant plus réels et vrais qu'ils sont inventées) . Son écriture est d'une élégance et d'une clarté radieuses de lisibilité dans l'expression d'une pensée ondoyante et très subtile, d'une souplesse paradoxale bien rare dans le genre, mais dont les écrits d'Esther sont prodigues et généreux, servie par une économie des effets et une précision unique, d'un grand soin dans le choix des mots, sans un de trop et sans une longueur superflue.

Le style, c'est la femme, en quelque sorte...

Que demander de plus d'une oeuvre et d'un auteur? Pour moi, elle est aussi importante, par ses préoccupations psychologiques, sociales, morales et éthiques, sa poésie et son talent pour notre littérature que le furent ou le sont encore Ursula K. Le Guin, H. P. Lovecraft, Jean Ray, Antonio Skameta, Samuel R. Delany, Mervin Peake, Theodore Sturgeon et Anaïs Nin pour la leur.

En terminant, je voudrais remercier tous ceux qui sont ici présents avec nous pour fêter et honorer Esther et son oeuvre littéraire.

Je voudrais également remercier personnellement Esther de demeurer pour moi, et pour de nombreux d'entre nous, l'amie fidèle autant que précieuse et l'être humain extraordinaire et exceptionnel qu'elle est.

Et au nom de tous ses lecteurs passés, présents et futurs, que j'espère toujours plus nombreux, la remercier encore pour ses livres et ses histoires, en la priant de nous en écrire et offrir encore de nombreux autres, tout aussi beaux et aussi magnifiques.

Et je m'excuse d'avoir été si long, mais le sujet en vaut vraiment la peine.

Merci Esther.

Ecrit par René Beaulieu, le Vendredi 2 Septembre 2005, 21:40 dans la rubrique Textes.

Commentaires :

Franger
03-09-05 à 01:38

Découvertes

M. Beaulieu,

Bonjour! C'est en lisant votre article qui dresse un panorama de la SF au Québec que je me suis procuré L'Archipel Noir d'E. Rochon. La description que vous faisiez du roman d'E. Rochon a piqué ma curiosité, puisque la forme de l'oeuvre semblait se rapprocher de la forme d'un projet de roman de SF sur lequel je travaille présentement.

Mais si la forme de mon projet rejoint un peu en effet la forme de l'Archipel Noir, je tenais à vous remercier de me faire découvrir une auteure magnifique...

Sans compter qu'une elle lecture m'encourage à persévérer.

Merci!

François

 
clifford
03-09-05 à 15:18

Re: Découvertes

Cher François,

Merci de vos aimables commentaires.

Je suis bien content d'avoir contribué, un tant soit peu à vous faire découvrir l'oeuvre d'Esther Rochon.

Et je suis bien content de voir que vous travailler vous-même sur un ouvrage d'importance, en espérant que nous aurons un jour le plaisir de le lire.

Et tant mieux si cela vous encourage à persévérer.

Au fait, si certains des livres d'Esther vous étaiewnt difficillement accessibles, je vous signale que j'en dispose d'un certain nombre pour la vente, à bas prix, étant également, à mes heures, libraires d'occasion.

Juste au cas où cela vous rendrait service... ;-)

Et sentez-vous bien libre de m'en dire un peu plus sur votre ouvrage en train.

Salutations
René.

 
Serge
05-09-05 à 03:57

Re: Re: Découvertes

M. Beaulieu,

                   bonjour. J'apprends que vous êtes, à vos heures, libraires d'occasion. Et l'oiseau de feu. Mmnn?. Ma mémoire avait oubliée que c'était

vous le coupable: vous m'aviez piqué la curiosité il y a fort, fort longtemps sur Brossard. Si je me souvient bien il y avait plusieurs critiques dans Solaris.

Alors, voici ma question: avez-vous, modeste libraire, la série?

Merci d'avance de votre réponse,

Serge


 
clifford
06-09-05 à 15:37

Re: Re: Re: Découvertes

Bonjour cher Serge.

Très malheureusement la série complète de L'Oiseau de Feu de Jacques Brossard est extrèmement difficile à trouver, en plus d'être souvent assez chère même en usagé (Les livres, à l'origine, se vendaient $40.00 neufs.. ) et je n'en dispose pas, pour le moment.

Par contre, je vois passer, de temps à autres, les deux premiers volumes et je pourrais probablement arriver à mettre la main dessus pour vous, si vous le désirez... Faites-le moi savoir.

Et ses deux autres excellents livres relevant des genres de l'Imaginaire, Le Sang Du Souvenir et Le Métamorfaux sont plus faciles à se procurer, comme vous avez peut-être été en mesure de le constater si vous êtes allé consulter ma première d'ouvrages à vendre qui se trouve quelque part sur mon blog...

Là encore, vous me le dites si vous êtes intéressés.

Et merci de vos bons mots...

En passant, je ne suis pas arrivé à vous identifier autrement que par votre prénom... ;-) alors, seriez-vous (et si c,est bien le cas, cela me fait vraiment très "étrange" de vous vouvoyer au lieu de vous tutoyer ici... ;-) ) mon ami Serge Mailloux, maintenant vivant aux États-Unis?

Mes excuses si je confonds...

En attendant votre réponse et en vous souhaitant les meilleures choses au monde.

Salutations.
René.




 
Serge
06-09-05 à 22:22

Re: Re: Re: Re: Découvertes

Non, non pas le Serge dit Mailloux mais le serge Laframboise vivant non pas dans le sud mais légèrement un peu plus au nord dans les Laurentides ;-) et qui aime bien le tu.

L'oiseau de feu. Mnn. On y pense à deux fois avant de se le procurer: sur Ama.... on nous demande 156 beaux dollards pour les 5 romans, 24 de moins que chez .... non pas de nom svp. Il devrait y avoir un peu plus d'éditions de poche. Non!???

J'aime mieux acheter du Vonarburg! C'est plus abordable et on est plus sur du contenu.Non?

Une chose est certain: je suis tttrès heureux d'avoir dénicher votre site.

Serge


 
clifford
04-10-05 à 16:20

Re:Découvertes

Salut cher Serge.

Au fait, je tiens à ta disposition le volume L'Oiseau De Feu 2A - Le recyclage D'Adakhan pour une (fort modeste, étant donné son prix d'origine) $7.00.

Tu me contactes à mon adresse électronique personelle ou sur le blog si tu es toujours intéressé...

Voilà, voilà...

Salutations Amicales.
René.

 
Serge
04-10-05 à 21:23

Re: Re:Découvertes

Bonjour René,

                       oui je serais trrrèsss intéressé par ''L'Oiseau De Feu 2A - Le recyclage D'Adakhan''.

Juste à me dire quel est, à présent, la démarche à suivre.

Merci d'avance,

Serge

        


 
clifford
06-10-05 à 03:13

Re:Découvertes

Salut cher Serge.

Donne-moi ton adresse électronique privée (Je n'arrive absolument pas à la lire quand je "clique" sur ton nom là... ) , je te répondrai et on poursuivra tout cela entre nous, ce qui n'ennuiera pas les autres lecteurs du blog alors.

Amitiés.
René.

 
Carfy
06-09-05 à 11:18

wow !

Excellent article. Et assez complet en plus.